LE CONSENTEMENT ÉCLAIRÉ AU CANADA
Le consentement éclairé au traitement en ergothérapie : l’avez-vous obtenu ?
Sandra Hobson
Le consentement éclairé est un sujet qui touche tous les praticiens du domaine de la santé au Canada. Les ergothérapeutes centrés sur le client ont l'obligation morale et éthique d'obtenir le consentement du client avant de donner un traitement, mais selon les règles du common law, ils ont également l'obligation légale d'obtenir un consentement éclairé. Cet article propose un bref survol de la raison d'être, de la nature et de la consignation par écrit du consentement éclairé au traitement en ergothérapie. Les dispositions concernant le consentement varient d'une compétence provinciale/territoriale à l'autre. L'organisme régulateur de votre province doit être en mesure de vous informer des règles additionnelles et particulières qui s'appliquent dans votre région.
La raison d'être du consentement éclairé
Le consentement éclairé sert trois fonctions principales : en premier lieu, il a pour but de protéger le droit de la personne à la "sécurité", tel qu'exposé dans
La nature du consentement éclairé
Pour que le consentement soit considéré comme étant valide, il doit répondre à sept critères (Rozovski, 1997).
1.) La personne doit être légalement jugée apte à consentir à un traitement.
On présume toujours qu'une personne, même un enfant (Rozovski, 1997), est compétente. Bien des gens croient à tort que l'âge de la maturité correspond à l'âge du consentement au traitement, mais cela n'est pas le cas au Canada (Rozovski, 1997). Toute personne ayant un tuteur légal peut donner son consentement à un traitement, selon la nature de l'ordonnance de tutelle et la compétence en vertu de laquelle le tuteur a été désigné (Rozovski, 1997).
2.) La personne doit avoir la capacité mentale d'autoriser les soins.
Ceci fait référence à la "capacité intellectuelle de faire un choix raisonnable en ce qui concerne un traitement" (Rozovski, 1997, p.6). Cette définition de la capacité ne correspond PAS au concept légal de l'aptitude/de la compétence à gérer ses finances et ses affaires. Elle ne fait strictement référence qu'à la capacité d'une personne de prendre une décision en ce qui a trait à un traitement. Toute personne est présumée apte mentalement, à moins qu'on ait quelque raison de remettre cette compétence en question. Il revient donc à la personne chargée d'obtenir le consentement d'évaluer la compétence de la personne en cause (Hoffman, 1995; Morris, 1996; Nelson, 1999). Ceci signifie que les ergothérapeutes doivent parfois évaluer si un client est apte à consentir à un traitement.
Certaines provinces ont établi un âge à partir duquel il est possible d'obtenir le consentement d'un enfant, mais elles peuvent même permettre le consentement de plus jeunes enfants jugés aptes à consentir à un traitement (Gilmour, 1999). Des problèmes peuvent se présenter lorsque l'enfant et les parents ne s'entendent pas sur les décisions concernant le traitement (Rosovski, 1997); il faut donc vérifier soigneusement les détails de la loi dans chaque compétence provinciale ou territoriale. L'autre aspect entraînant de fausses conceptions est le droit des clients ayant une maladie mentale ou des troubles cognitifs. Un diagnostic en lui-même est insuffisant pour présumer une incapacité (Kaiser, 1999). Dans la plupart des compétences provinciales ou territoriales, même les personnes qui sont admises de façon involontaire dans un établissement psychiatrique ont toujours le droit de donner ou de refuser leur consentement, si elles ont la capacité mentale de le faire (Morris, 1996).
Le test visant à évaluer la capacité est le même pour tous et il est fondé sur l'opinion professionnelle, à savoir si la personne a la "capacité de comprendre la nature et l'effet du traitement proposé" (Nelson, 1999, p. 110).
Si le professionnel qui cherche à obtenir le consentement du client en arrive à la conclusion que le client est inapte à donner son consentement, il lui faudra identifier un décideur suppléant qui pourra donner un consentement éclairé avant que le traitement puisse commencer (Kaiser, 1999). Les suppléants ont le mandat d'agir dans le meilleur intérêt de la personne jugée inapte (Rosovski, 1997) et selon les souhaits exprimés auparavant par cette personne (Gilmour, 1999). Lorsqu'il s'agit d'un enfant, les parents ont habituellement le droit de consentir au nom de l'enfant (Gilmour, 1999), mais un désaccord entre les parents peut causer des difficultés (Rosovski, 1997). Dans le cas d'adultes jugés inaptes, le conjoint ou un autre membre de la famille devient habituellement le suppléant (Nelson, 1999). Certaines compétences provinciales ou territoriales établissent une hiérarchie stricte de suppléants, en particulier en Ontario, mais les tribunaux d'autres compétences agissent habituellement selon des principes semblables (Morris, 1996). Il est important de noter qu'un jugement d'inaptitude n'est pas un verdict permanent. L'inaptitude d'une personne est considérée comme étant circonstancielle et peut être influencée par la fatigue, la douleur, les médicaments et ainsi de suite. Toutes les compétences ont leur propre méthode d'évaluation de la capacité (Kaiser, 1999) des personnes auparavant jugées inaptes à prendre soins d'elles-mêmes, et je recommande fortement à l'ergothérapeute de visiter le client au moins une autre fois avant de chercher un décideur suppléant, de préférence lorsque la personne est reposée et confortable, afin de voir si elle est compétente dans des conditions optimales.
3.) La personne doit être exposée à l'information pertinente expliquée par le professionnel.
La Cour suprême du Canada a clairement indiqué que l'information divulguée doit comprendre ce qu'une personne raisonnable se trouvant dans la position d'un client voudrait connaître avant de prendre une décision (Dickens, 1999). Ceci comprend les avantages et les risques "matériels" anticipés (Dickens, 1999, p. 119) en rapport au traitement. Parmi les risques, notons les risques probables, même s'ils ne sont pas sérieux, de même que les risques improbables, mais sérieux (Dickens, 1999). Rosovski (1997) suggère fortement que les risques décrits soient ceux qui touchent un client particulier, et non pas les risques généraux liés au traitement. Dans une large mesure, l'ergothérapie n'est pas considérée comme étant très risquée, mais, par exemple, l'entraînement aux transferts comporte des possibilités de chute, ce qui peut être particulièrement critique pour un client qui prend des anticoagulants.
4.) Le consentement doit être obtenu pour un traitement particulier.
Il n'est pas nécessaire d'obtenir un consentement pour chaque étape d'un plan de traitement (Nelson, 1999), mais le consentement général signé lors de l'admission à l'hôpital ne convient pas pour toutes les formes de traitement (Rosovski, 1997). Le consentement peut être donné pour une procédure de traitement (Hoffman, 1995), mais cette procédure et ses principaux éléments doivent être déterminés et expliqués pour que le consentement soit valide. Ce critère comprend également l'identification de l'intervenant qui donnera le traitement (Dickens, 1999). Si des assistants ou des étudiants effectuent des étapes du plan de traitement, ces détails doivent être divulgués au client et faire partie du processus de consentement (Nelson, 1999). Une enquête effectuée par Lynöe, Sandlund, Westberg et Duchek (1998) a indiqué que 80 % des clients se sentaient lésés s'ils étaient traités par des étudiants en médecine sans en être informés, bien que 88 % étaient d'accord en principe pour participer à la formation des étudiants.
La loi n'est pas claire en ce qui concerne l'obligation d'obtenir un consentement pour procéder à une évaluation. Une grande partie de la littérature ayant trait au consentement ne traite pas de cet aspect, sauf dans le cas de tests diagnostics invasifs. Toutefois,
5.) La personne doit avoir la possibilité de poser des questions ou de recevoir des réponses qu'elle peut comprendre.
Ce critère met l'accent sur le fait que les clients ont le droit de recevoir de l'information dans un langage qu'ils peuvent comprendre. Le professionnel est tenu d'expliquer l'information en des termes simples (Dickens, 1999) et, dans le cas où le client > parle une langue différente, la traduction ou l'interprétation doit être disponible (Rosovski, 1997).
6.) Le consentement doit être volontaire.
C'est-à-dire qu'il doit être donné librement, et non pas obtenu sous abus d'influence ou par coercition (Nelson, 1999). Bien que ces concepts semblent clairs, des influences subtiles, comme le déséquilibre inhérent des forces entre le client et le praticien, peuvent pousser le client à faire ce que le praticien semble souhaiter, en dépit de sa préférence personnelle.
7.) Le consentement ne doit pas être obtenu au moyen d'une présentation trompeuse de l'information.
Le professionnel ne doit pas modifier l'information présentée dans le but d'amener le client à prendre une quelconque décision, même s'il croit que cette décision serait dans le meilleur intérêt du client (Dickens, 1999). Ceci ne veut pas dire que le praticien ne doit pas exprimer son opinion en ce qui concerne le meilleur choix possible (Rosovski, 1997), mais qu'il doit présenter de l'information impartiale et précise sur toutes les options de traitement.
Consignation par écrit du consentement
Le consentement au traitement doit être implicite (p. ex., dévoi-ler un membre pour se soumettre à un examen) ou explicite et le consentement explicite doit être verbal ou écrit (Nelson, 1999). Toutes les formes de consentement sont légalement acceptables, mais, dans l'éventualité où des questions pourraient surgir plus tard, certaines sont difficiles à prouver. Le consentement écrit est plus courant pour les procédés invasifs (Nelson, 1999) et peut être exigé par la loi (Rosovski, 1997), toutefois, un formulaire signé ne constitue pas une preuve irréfutable que le processus d'obtention du consentement était valide (Rosovski, 1997). La plupart des litiges concernant le consentement remettent en question la validité du consentement, selon que le client a reçu suffisamment d'information pour prendre la décision (Rosovski, 1997). Une consignation consciencieuse du processus de consentement peut constituer une preuve du processus suivi (Nelson, 1999 ).
Rosovski (1997) propose d'élaborer des énoncés de politique et des procédés concernant l'obtention du consentement et la consignation du processus. Il recommande de rédiger une note de consentement plutôt que d'utiliser un formulaire, puisque les formulaires sont souvent mal conçus. Bottrell, Alpert, Fischbach et Emanuel (2000) ont constaté que seulement 26 % des 540 formulaires étudiés répondaient à leurs critères de validité par rapport au consentement. Rosovski (1997) craint également que les formulaires de consentement encouragent les cliniciens trop occupés à obtenir seulement la signature du client, plutôt que de veiller à obtenir un consentement valide.
Rosovski (1997) suggère que la note de consentement soit brève, mais qu'elle décrive la nature et le but du traitement proposé, les risques et les avantages associés, les autres solutions possibles et le fait que les critères du consentement valide ont été sa-tisfaits. En ses propres mots : "le fait qu'un soignant a pris le temps d'écrire cette note accorde une plus grande crédibilité au processus d'obtention du consentement que le fait de remplir une liste de contrôle ou un formulaire" (p.119). Ceci peut sembler étrange à première vue, mais il peut être suffisant de récrire la note au dossier rédigée après l'évaluation du client et l'explication du traitement. Voir l'exemple de note de consentement en annexe.
Il est tout aussi important de consigner le refus de consentement, le retrait du consentement ou la décision du clinicien à savoir qu'un client particulier n'est pas apte à donner son consentement, en incorporant les raisons de ce jugement. Par exemple, vous pouvez décider que votre nouveau client, qui a subi un ACV il y a trois semaines, n'a pas la capacité d'introspection et la mémoire nécessaires pour reconnaître qu'il a subi cet ACV, qu'il est actuellement inapte à se vêtir ou à effectuer ses transferts en toute sécurité et que, par conséquent, il doit recevoir des traitements à cet effet.
Il faut porter une attention particulière à l'obtention du consentement lorsque le client ne parle pas la même langue que le professionnel. Le nom et les compétences du traducteur ou de l'interprète doivent être consignés (il s'agit souvent d'un membre de la famille, d'après mon expérience clinique) et il peut être prudent de faire signer une déclaration par le traducteur (Rosovski, 1997), en particulier en ce qui a trait aux procédés comportant des risques ou aux tests invasifs.
Peut-on déléguer l'acte d'obtenir le consentement à un étudiant ou un assistant par exemple? Oui, en autant que vous vous rappelez qu'à titre professionnel vous être chargé de l'orientation du traitement et vous avez la responsabilité de vous assurer que le client a donné un consentement éclairé au traitement avant qu'il soit entrepris. C'est une question de confiance - êtes-vous vraiment sûr que la personne à qui vous avez confié cette responsabilité connaît les critères d'obtention du consentement valide, est en mesure d'évaluer l'aptitude du client à donner un consentement éclairé et qu'elle consignera le consentement de manière appropriée? Même si vous déléguez cette tâche, vous en demeurez légalement responsable.
Conclusion
Le professionnel ayant la responsabilité de mettre en oeuvre un traitement doit obtenir un consentement éclairé pour ce traitement (Morris, 1996; Nelson, 1999). Le professionnel de la santé qui néglige d'obtenir le consentement avant de commencer un traitement peut être accusé de délit, ce qui le rend passible de poursuites devant les tribunaux ou de mesures professionnelles disciplinaires (Morris, 1996). Le traitement donné sur la base d'un consentement jugé non valide parce qu'il n'a pas été obtenu de manière volontaire ou parce qu'il a été obtenu à partir de fausses représentations ou d'une personne jugée inapte à le donner, constitue également un délit (Rosovski, 1997). Dans une cause de délit, il suffit de démontrer que le traitement s'est produit sans l'obtention d'un consentement valide (Nelson, 1999). Le fardeau de la preuve qu'un consentement valide a été obtenu repose sur le professionnel et des dommages-intérêts peuvent être accordés même si aucune lésion physique n'a été causée (Nelson, 1999).
La route la plus commune pour les litiges concernant le consentement au Canada est maintenant sous la loi de la négligence (Dickens, 1999; Rosovski, 1997). Dans ce cas, la responsabilité ne serait remise en cause que si le client prouve qu'il a subi des pertes en conséquence d'un comportement de négligence (Nelson, 1999). La plupart des causes de négligence sont perdues parce que, bien que les clients puissent prouver qu'ils ont été mal ou insuffisamment conseillés, ils ne réussissent pas à prouver qu'ils ont subi des dommages en conséquence (Rosovski, 1997). Néanmoins, la négligence peut être le point de départ de procédures de mauvaise conduite. Il est toutefois prudent et sage pour les ergothérapeutes de bien connaître les exigences particulières concernant l'obtention du consentement dans leur province ou territoire lorsqu'ils obtiennent ou consignent le consentement au traitement, de manière à ce qu'il soit valide, clair et défendable.
Références
Bottrell, M.M., Alpert, H., Fischbach, R.L., & Emanuel, L.L. (2000). Hospital informed consent for procedure forms: Facilitating quality patient-physician interaction. Archives of Surgery, 135, 26-33.
Consent to Treatment Act, Chapter 31, Statutes of
Dickens, B.M. (1999). Informed consent. In J. Downie & T. Caulfield (Eds.), Canadian health law and policy (pp. 117-141).
Gilmour, J.M. (1999). Minors. In J. Downie & T. Caulfield (Eds.), Canadian health law and policy (pp. 179-215).
Hoffman, B.F. (1995). The law of consent to treatment in Ontario.
Kaiser, H.A. (1999). Mental disability law. In J. Downie & T. Caulfield (Eds.), Canadian health law and policy (pp. 217-274).
Linöe, N., Sandlund, M., Westberg, K., & Duchek, M. (1998). Informed consent in clinical training - Patient experiences and motives for participating. Medical Education, 32, 465-471.
Morris, J.J. (1996). Law for Canadian health care administrators. Toronto: Butterworths.
Nelson, E. (1999). The fundamentals of consent. In J. Downie & T. Caulfield (Eds.), Canadian health law and policy (pp. 101-116).
Rosovski, L.E. (1997). The Canadian law of consent to treatment. Toronto: Butterworths.
Actualités ergothérapiques (09-10/2001)
http://www.caot.ca/otnow/sept01-fr/sept01-consent.cfm